Les titres fréquents des magazines économiques populaires tels que Fortune et Business Week attirent notre attention sur un mouvement majeur en cours dans le monde des affaires. Les organisations sont réorganisées et restructurées, et des entreprises en réseau, virtuelles et modulaires voient le jour. On parle de l’organisation transnationale, de l’entreprise sans frontières, de l’organisation post-hiérarchique. D’ici la fin de la décennie, les organisations dans lesquelles nous vivrons, avec lesquelles nous travaillerons et contre lesquelles nous nous battrons seront probablement très différentes de celles que nous connaissons aujourd’hui.
La transition ne sera pas facile ; l’incertitude a tendance à engendrer la résistance. Nous sommes mus par une pensée linéaire et rationnelle, qui nous amène à croire que « nous pouvons y arriver en partant d’ici » en apportant quelques changements progressifs à ce que nous sommes et à ce que nous faisons actuellement. Les paradigmes existants encadrent nos perceptions et guident notre réflexion. Il n’est pas facile de se débarrasser des paradigmes qui nous ont bien servis dans le passé.
Si l’on jette un coup d’œil en arrière, la plupart des observateurs constatent que la dernière décennie a été caractérisée par des changements rapides, une concurrence intense, une explosion de nouvelles technologies, le chaos, la turbulence et de hauts niveaux d’incertitude. Un rapide coup d’œil sur le paysage commercial actuel suggère que cette tendance n’est pas prête de disparaître. Selon le professeur Jay A. Conger, de l’université canadienne McGill, « en période de grande transition, le leadership revêt une importance cruciale. Les leaders, par essence, nous offrent une voie de confiance et de direction alors que nous évoluons dans un chaos apparent. L’ampleur des changements actuels exigera non seulement plus de leadership, mais aussi de nouvelles formes de leadership. »
Selon M. Conger, deux forces majeures définissent pour nous le génie de la prochaine génération de leaders. La première force est l’environnement externe de l’organisation. La compétitivité mondiale crée des exigences uniques en matière de leadership. La deuxième force est la diversité croissante de l’environnement interne des organisations. La diversité modifiera considérablement la relation entre les membres de l’organisation, le travail et l’organisation, de manière stimulante, difficile, mais aussi très positive.
À quoi ressembleront les dirigeants de demain ? Le professeur Conger suggère que les dirigeants efficaces du 21e siècle devront être de nombreuses choses : ils devront être des opportunistes stratégiques ; seuls les visionnaires organisationnels trouveront des opportunités stratégiques avant leurs concurrents. Ils devront être conscients des enjeux mondiaux ; 80 % des organisations actuelles étant confrontées à une concurrence étrangère importante, la connaissance des marchés étrangers, de l’économie mondiale et de la géopolitique est cruciale. Ils devront être capables de gérer une organisation fortement décentralisée ; l’évolution vers une organisation à forte implication s’accélérera à mesure que les exigences environnementales en matière de rapidité, de flexibilité, d’apprentissage et de légèreté augmenteront. Ils devront être sensibles à la diversité ; au cours des premières années du 21e siècle, moins de 10 % des personnes qui entreront sur le marché du travail en Amérique du Nord seront des hommes blancs anglo-saxons, et les femmes, les minorités et les immigrants qui arriveront apporteront avec eux un ensemble de besoins et de préoccupations très différents. Ils devront être compétents sur le plan interpersonnel ; une main-d’œuvre très diversifiée nécessitera un leader extrêmement conscient et sensible aux attentes et aux besoins multiculturels. Ils devront être les bâtisseurs d’une communauté organisationnelle ; le travail et les organisations seront une source majeure de satisfaction des besoins et, dans ce processus, les leaders seront appelés à aider à construire cette communauté de telle sorte que les membres de l’organisation développent un sentiment d’appartenance à l’organisation et à sa mission.
Enfin, il est important de noter que l’élaboration de la théorie du leadership et l’enquête empirique sont une entreprise continue. Bien que l’étude des traits, du comportement et des modèles de contingence du leadership nous permette de mieux comprendre le leadership, la mosaïque est loin d’être complète. Au cours des 15 dernières années, plusieurs nouvelles théories du leadership ont vu le jour, notamment la théorie de l’échange leader-membre, la théorie du leadership implicite, la théorie néocharismatique, la théorie du leadership fondée sur les valeurs et le leadership visionnaire, qui viendront toutes enrichir notre banque de connaissances sur les leaders et le processus de leadership.
Les dirigeants des organisations du XXIe siècle sont confrontés à un défi monumental et à une multitude de possibilités d’enrichissement personnel et d’épanouissement. Le défi et les récompenses qui attendent les leaders efficaces sont impressionnants !